L'histoire de Levy

Le 10 mai 2014, sa vie a basculé

Dans le cadre d’une sortie récréative avec son lycée, la classe de seconde de Levy passe un après-midi sur une pirogue double aménagée, ancrée à Taina, près du haut-fond de sable blanc. La profondeur autour de la pirogue varie avec sa position, autour de l’ancre.

Lors d’un plongeon, la tête de Levy heurte le fond de sable, ce qui provoque une lésion cervicale. Levy ne peut plus bouger ses membres et risque la noyade. Secouru par ses camarades, il est hospitalisé en urgence. Malgré une intervention chirurgicale immédiate, Levy reste tétraplégique. 

Un article est paru dans la dépêche du 20 mai 2014, vous pouvez le télécharger ci-dessous.


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La dépêche, 20 mai 2014, page 14
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La dépêche, 20 mai 2014, page 15
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Il a fallu attendre qu’une place se libère au centre Te Tiare. Levy est alors confronté aux limites de l’hôpital : les lits inadaptés à son cas, le personnel pas forcément disponible pour l’aider à se retourner « parce qu’il y a d’autres patients. Je suis passé de réanimation en neuro. Et puis, j’ai attrapé une infection, donc on m’a mis avec ‘les infectés’. Mes muscles ont fondu en un mois. J’ai développé des escarres. J’étais stone avec la morphine. On m’a donné des antidépresseurs, mais je n’étais pas dépressif du tout, j’étais en manque d’endorphines… »

Le centre Te Tiare, mai 2014-novembre 2014, une longue attente pleine d’espérance

Le médecin qui s’est occupé de Levy à l’hôpital du Taaone recommande de l’envoyer rapidement dans un centre spécialisé pour à la fois améliorer ses chances de récupération, et apprendre à Levy les bases de la vie quotidienne des personnes en situation de handicap moteur, tout en reprenant sa scolarité.

Dans l’attente d’une autorisation d’évacuation sanitaire vers un centre spécialisé, Levy commence une rééducation au centre Te Tiare. Et l’attente dans un climat « trouble » dure six mois. « J’étais en manque d’information. Les médecins voulaient être positifs, je ne savais pas ce que je pourrais récupérer. »

 

Alors qu’il peut difficilement se déplacer et sortir du centre, il espère pouvoir partir le plus rapidement pour essayer de récupérer au mieux l’usage de ses membres. 

 

Les démarches pour obtenir le feu vert de la Caisse de Prévoyance Sociale sont complexes et longues. Avec le forcing du personnel médical et de sa famille, l'autorisation est enfin accordée et le départ de Levy programmé pour le 8 novembre 2014.

 

A la demande de Levy c'est Marie-Louise sa grand-mère qui l'accompagnera à Montpellier, où il doit intégrer le centre Propara.


Le départ pour Propara, 8 novembre 2014

Le départ est une épreuve pour Levy et sa grand-mère qui n’ont jamais quitté la Polynésie et doivent aller vivre dans un autre pays à l’autre bout du monde.

 

Heureusement, le voyage est organisé par la Caisse de Prévoyance Sociale et Europ Assistance, avec l'accompagnement d'une infirmière.

 

Après quelques péripéties à l'escale de Los Angeles où Marie-Louise se perd un peu, c'est l'arrivée à Roissy et l'embarquement pour un taxi, direction Montpellier, le centre Propara pour Levy et un foyer d'accueil des familles pour Marie-Louise.

 

Départ de Levy et sa grand-mère
Départ de Levy et sa grand-mère
Départ de Levy entouré de sa famille
Départ de Levy entouré de sa famille

Le centre Propara, novembre 2014-juillet 2015

   Levy va passer près de neuf mois au centre Propara. Il y est parti plein d’espoir et réalise qu’il ne récupérera pas l’usage de ses membres. Ses envies de travailler dans le sport étaient déjà mises de côté. On lui fait comprendre que son projet de devenir architecte ne saurait perdurer.

«Le médecin m’a fait entendre qu’il fallait accepter d’être tétraplégique.»

Il suit un programme de rééducation et doit apprendre à vivre avec son handicap. « J’ai fait de la muscu, pour muscler ce que je pouvais, et un peu de table de verticalisation mais je ne pouvais pas y rester longtemps donc on a arrêté. Et j’ai appris le transfert », c’est-à-dire à passer du lit au fauteuil et inversement à l’aide d’une planche. « Même pour le transfert, c’est difficile parce que je n’ai pas mes triceps. »

« J’étais démoralisé. Je ne voyais pas d’évolution de mon handicap. Après…, je ne sais pas trop ce que j’attendais. »

 

Levy et Claire à Propara
Levy et Claire à Propara

Il ne peut malheureusement pas continuer à suivre un cursus scolaire. Il bénéficie de cours particuliers, il étudie du mieux qu’il peut, avec l’objectif de se présenter à l’épreuve du baccalauréat de français, qui se passe d’habitude en fin de classe de première. Il se présentera en candidat libre aux épreuves de français, d’histoire et de géographie et obtiendra des notes honorables qui lui permettront d’alléger ensuite ses cours en classe de première.

Levy, Marie-Louise et Claire à Propara
Levy, Marie-Louise et Claire à Propara

Sa grand-mère Marie-Louise réside au foyer La Pasquière qui est une maison d'accueil pour les familles des personnes hospitalisées. Ce n’est pas tout près du centre Propara et il lui faut se familiariser avec tout le réseau des transports en commun pour rendre visite régulièrement à Levy.

 

C’est là-bas aussi qu’il acquiert un ordinateur et s’emploie à l’utiliser, comme une voie de « sortie ». Il se remet aux jeux dont il a toujours été fan depuis l’enfance, avec son père et son frère. « J’étais un vrai geek avant de mettre au sport. Là, j’ai réussi à m’en sortir avec mes doigts qui marchent pas. J’ai installé un jeu en ligne, ‘League of legend’, et j’ai changé les configurations. Comme ça se joue en équipe, j’ai rencontré des gens en ligne. C’était cool. J’étais tranquille avec des potes qui ne me faisaient pas de remarques sur mon handicap. Au contraire même, plutôt à s’intéresser à comment je faisais. » Cette reconnexion lui a donné envie de chercher des métiers dans ce domaine.

Lorsque le retour de Levy vers Tahiti est décidé par le Caisse de Prévoyance Sociale, il faut doter le fauteuil de Levy d'un propulseur électrique afin qu'il puisse se déplacer seul. C'est alors une course contre la montre pour s'assurer que le propulseur soit livré et monté sur le fauteuil de Levy, à temps.

Puis la date du retour est décidée et c’est tout aussi précipitamment que Levy et Marie-Louise quittent Montpellier pour Tahiti… sans pouvoir vraiment préparer les conditions optimales de retour notamment pour son logement.

Le retour à Tahiti, 13 juillet 2015

Arrivée à Faa'a
Arrivée à Faa'a

A l'arrivée à Tahiti, Levy va retrouver sa famille qui l’accueille à l'aéroport de Tahiti-Faa'a.

Malheureusement, Lévy ne pourra pas habiter à son domicile qui ne peut être adapté à son handicap, il doit donc retourner au centre Te Tiare en attendant qu'une solution soit trouvée.

Après des démarches complexes, Levy et sa grand-mère emménagent dans un appartement au centre-ville, passage Cardella, non loin de son lycée Pomaré où Levy va reprendre sa scolarité en classe de première.

 


Vers le Bac

Lévy au Jardin Bougainville, Papeete
Lévy au Jardin Bougainville, Papeete

Levy se rend au lycée en fauteuil et est aidé par une AVS (assistante de vie scolaire) pour suivre les cours.

Il reçoit des soins chez lui quotidiennement par une infirmière et un kinésithérapeute.

 

Il obtient son passage en classe de terminale, et bien qu'il n'ait pas pu suivre l'ensemble des cours à cause de problèmes de santé, Levy réussit son Bac avec mention AB en 2017.« Maintenant, ça va mieux. Et puis, j’ai eu mon Bac. J’ai cru que je ne l’aurais pas parce que j’avais raté beaucoup de cours. Maintenant, je veux continuer et faire des études. »

 

Il aspire à suivre une formation pour créer des jeux vidéo et devenir game-designer, formation compatible avec son handicap, et se renseigne pour connaître les écoles et formalités, ici – où la seule formation est fermée au moment de ses démarches – et ailleurs. Ses recherches l’amènent à l’école e-artsup de Montpellier où il envoie son dossier de candidature qui est accepté pour la rentrée 2018.

« Je suis le premier cas de tétraplégique dans cette école et, du coup, ils ne savent pas trop m’aiguiller. Alors pour le moment, je cherche des informations sur les AVS. »

 

Levy s'inscrit dans cette école avec l'espoir de trouver les moyens de réaliser ce projet d'études.

Après le bac ? juin 2017-juin 2018

Dans ce récit, qui résume en quelques dates l’histoire de Levy, ne figurent pas les complications, les résistances, les combats de chaque jour sur tous les plans (humain comme matériel, psychologique, juridique, moral et administratif, etc.) et le temps long dans lequel elle s’est déroulée et s’inscrit encore pour lui. « Les secondes sont interminables parfois » confie-t-il sur son lit médicalisé entre les quatre murs de sa chambre où il passe ses journées, dans son nouveau lieu de vie.

 

Cette nouvelle vie, il la remplit autant que possible pour « ne pas trop penser à la situation », briser l’isolement et surmonter l’ennui : avec son ordinateur, devenu son « ami », le compagnon de chaque instant pour les jeux, la musique, les vidéos... Il a fini par apprendre à le manier à force de ténacité – et Levy n’en manque pas ! – en mobilisant peu à peu ses bras, son poignet, pour guider ses doigts immobiles sur le clavier et le pavé tactile. « J’ai un bon niveau maintenant ! » s’amuse-t-il en évoquant ses progrès.

 

Les sorties, occasionnelles, dépendent de la disponibilité de son père, son oncle ou son frère pour pouvoir l’accompagner dans un espace urbain inadapté donc inaccessible. « Heureusement qu’il y a la famille aussi, les amis, pour tenir. Mais je ne demande rien. J’attends qu’ils aient envie et la possibilité de venir. » Tenir et ne rien demander. Il n’est pas question d’autre chose pour Levy aujourd’hui. « Je m’adapte » répète-t-il avec un sourire philosophe, presque détaché, mais dont on devine l’effort, à la mesure des renoncements. « Ici, rien n’est adapté. On ne voit pas les handicapés parce qu’ils restent chez eux. »

 

S’adapter est donc son lot mais, dans cet environnement urbain polynésien qui, lui, ne l’est pas, et sans les moyens potentiels que pourrait lui fournir l’issue attendue d’un procès qui n’en finit pas d’être reporté depuis quatre ans maintenant, attendre n’est pas un dessein, une fin. « Je comptais là-dessus, mais comme c’est sans cesse reporté… Et puis, s’ils font appel, c’est long aussi. Je risque d’attendre encore longtemps. »

 

Quatre ans déjà qu’il surmonte les bouleversements de sa vie pour lui et son entourage, les ballotements d’un lieu de rééducation ou d’hospitalisation à un autre, les espoirs déçus, les infections contractées à l’hôpital, les escarres dont on n’a pas su tout de suite le préserver, sans compter les entraves administratives, le dénuement et la dépendance qui s’en sont suivis au quotidien. « Devenir dépendant de tout le monde, pour m’aider à me lever, me nettoyer, manger ; c’est un coup dur. J’ai pris un gros coup sur la fierté tout le long. Je ne peux plus rien faire à l’improviste, il faut que je prépare tout à l’avance. »

 

Douloureuse vulnérabilité pour ce jeune homme, en quête d’autonomie, qui la sentait « si proche », difficile de ne pas regretter ce corps d’athlète, sculpté à coups de rames, de fitness, du vélo, des sports de combat, de randonnées en pleine nature, jusqu’à « 6 heures par jour » pour être sûr « de ne pas se faire emmerder », et « compliquées » aussi les relations amoureuses, depuis. Les amis, bacheliers comme lui, pour la plupart sont déjà partis : Canada, France, États-Unis…

 

Il lui reste son ordi, une bonne dose d’humour et d’abnégation, Marie-Louise, sa mamy, comme un pilier dont les valeurs l’ont gardé depuis l’enfance « sur le droit chemin », son bac – un bac techno brillamment réussi par-delà les obstacles qui se sont dressés devant lui et en lui –, un projet et la volonté de pouvoir continuer, lui aussi, à étudier. « Je n’ai pas envie de rester à rien faire » dit-il, comme une évidence, avec la détermination, rivée à son mental de sportif aguerri, de construire sa vie. « Un jour après l’autre. Je ne me projette plus. Demain, on ne sait pas ce qu’il va se passer » conclut-il dans un regard entendu, qui laisse aussi la place à d’autres possibles.

 

Et même s’il reste compliqué pour lui d’accueillir pleinement cette réalité, son élan a encore besoin de l’aide d’Autrui, pour lui donner du corps, lui offrir des ailes aussi. Un élan qui pourrait bien en inspirer d’autres…

 


Le projet d'études à Montpellier

Après avoir essayé de trouver une formation qui l'intéresse à Tahiti, Levy  souhaite s'orienter vers une formation dans la conception de jeux vidéo et identifie une école qui propose  ce type d'études, l'e-artsup de Montpellier.

Levy entre en contact avec l'école, sollicite une inscription et est admis en première année. Mais des études en France, c'est compliqué pour un étudiant tétraplégique qui ne peut partir seul et de plus cela coûte cher. Après discussion avec sa famille, Marie-Louise, la grand-mère de Levy, décide de l'accompagner pendant ses études, reste à trouver le financement.

Avec l'aide d'amis, il est alors décidé de bâtir un projet et au travers d'une association de faire appel à la solidarité et aux aides diverses pour arriver à trouver le financement.

Le projet d'études est alors monté et l'association "Tuapo a Levy, solidarité pour ses études" est créée en avril 2018, et les recherches de dons commencent.

Trois mois plus tard, les fonds permettant de lancer le projet sont réunis, ils vont permettre de couvrir le budget de départ et d'une année d'études. Plus de 100 donateurs ont souhaité soutenir le projet de Levy, au travers de dons uniques, de parrainages mensuels ou de dons en nature.

Le 2 septembre 2018, Levy et Marie-Louise quittent Tahiti pour s'installer à Montpellier.

 


La première année à Montpellier

Levy et ses collègues de l'école
Levy et ses collègues de l'école

 Ils ont été accueillis par Jean-Jacques et Louise  que nous remercions encore, ce qui a grandement facilité leur arrivée et leur installation à Montpellier.

L’association avait commencé  en juin 2018 à rechercher une solution d’hébergement pour Levy et Marie-Louise. En attendant de trouver une solution définitive, un appartement adapté et proche de l’école a été loué à la journée. Grâce à la générosité d’un donateur, Levy a pu obtenir un fauteuil électrique qui lui a permis d’avoir une certaine autonomie de déplacement et en particulier pour se rendre à son école.

 

En septembre, Levy a pu débuter ses études à l’école e-artsup tout en continuant à faire les différentes démarches administratives devant lui permettre d’obtenir les soutiens auxquels il a droit. Ces démarches, incluant l’inscription à la sécurité sociale seront longues et continuent à ce jour pour certaines d’entre elles.

 

 

Fin octobre, un appartement a enfin été loué, un peu plus éloigné de l’école mais à une distance qui permet à Levy de s’y rendre en fauteuil. Levy a pu alors se consacrer à ses études, malgré quelques ennuis de santé rencontrés en mai et juin. 

 

Fin juin, Levy a vu son travail et sa persévérance récompensés avec l'obtention de son passage en deuxième année. Le projet d'études est maintenant sur de bonnes voies,  la recherche de soutiens continue afin d'assurer le budget de la deuxième année.

 


Fin des études et diplôme

Après trois années d'études, avec une troisième année perturbée par la crise Covid, Levy a obtenu son diplôme est à la recherche d'un travail. Pour cela, il doit constituer un portfolio pour présenter différentes réalisations afin de permettre aux employeurs d'évaluer ses compétences. C'est une étape nécessaire mais complexe pour 
Levy qui ressent des difficultés à finaliser ce portfolio.

Levy est également perturbé par l'attente de l'issue du procès en cours depuis maintenant 8 ans et qui doit décider de l'indemnisation consécutive à son accident lors de sa sortie scolaire.

La détermination des responsabilités, puis des difficultés juridiques concernant les textes applicables en Polynésie française et enfin l'attente d'une décision en conseil d'état retardent la décision qui pourrait permettre à Levy de mieux se projeter à l'issue de ses études.

Contact: solidarite.levy@gmail.com       

Facebook: solidarité-des études-pour-levy

Association loi 1901 N° W9P1004080, N°TAHITI  C76011

Adresse postale: BP 52644 Pirae, 98716 Polynésie Française